Par Olivier Lefebvre - Isarta infos
Concepteur et réalisateur publicitaire, Richard Leclerc possède assez de chapeaux pour en porter un différent chaque jour de la semaine. Sensible à sa communauté et aux causes sociales, il continue de laisser sa marque au Québec mais aussi à l’international. C’est d’ailleurs grâce à son parcours riche et éclaté qu’il est aujourd’hui président du Musée des communications et d’histoire de Sutton, professeur associé à l’Université Senghor d’Alexandrie, en Egypte, chargé de cours à l’Université de Montréal, concepteur-réalisateur chez Commando Création et conférencier-concepteur-réalisateur autonome chez Publici-Terre. Retraçons son parcours à la fois teinté de passion et de sincérité…
Installé dans sa cour arrière de Sutton, Richard Leclerc transpire le bien-être. Au premier regard, on se bute à un homme d’une cinquantaine d’années à la chemise ample et aux cheveux mi-longs, ébouriffés. Il est accueillant, simple et surtout en parfait contrôle de ses moyens. En moins de deux, on se laisse bercer par un ton de voix ricaneur et une habileté manifeste à raconter des histoires…
À 18 ans, il s’initie à l’univers des communications en collaborant au magazine du Centre de loisirs de Brossard. Cet emploi à temps partiel contribuera à payer sesétudes universitaires. D’abord en communications et design de l’environnement àl’Université du Québec à Montréal; une maîtrise, ensuite, en communication àl’Université de Montréal.
La conquête professionnelle
Diplômes en poche, le jeune publicitaire peine à se faire embaucher. Son esprit d’entrepreneur le motive à créer sa propre agence qu’il baptise Créatividée, en 1980. Deux ans plus tard, il déménage dans le Vieux-Montréal où il rencontre les associés du Groupe Everest. Une rencontre importante puisqu’en 1984, le Groupe Everest achète son entreprise et en devient le vice-président.
Jusqu’à ce moment, il ne baigne que dans le commercial mais entretient tout de même un intérêt pour les causes, surtout politiques. Il élabore d’ailleurs, avec le journaliste Jean-Pierre Charbonneau alors député du Parti québécois, la campagne publicitaire pour le référendum de 1980 sur la souveraineté du Québec dans 32 circonscriptions de la Rive-Sud de Montréal. « J’ai toujours été sensible à toute forme de publicité non commerciale », confie-t-il, ajoutant que tout ce qui encourage la surconsommation l’a toujours agacé.
À la rencontre du showbiz québécois
Sa première incursion dans le monde «sociétal» a lieu en 1985 alors que le musicien Jean Robitaille, avec qui il avait travaillé à plusieurs reprises, compose la musique pour la chanson Les yeux de la faim. Cette oeuvre, inspirée de chansons semblables composées sur le même thème: We Are The World aux États-Unis et surtout Do they Know it’s Christmas Time en Angleterre, avait été écrite par le journaliste Gil Courtemanche pour dénoncer la famine en Éthiopie. Jean Robitaille lui propose alors de créer la pochette d’album, un défi qu’il relève avec brio!
Son attachement à Amnistie Internationale, qui se perpétue encore aujourd’hui, se consolide en 1986. Une amie lui propose alors de participer à un concours afin de créer un visuel pour les 25 ans de l’organisme. L’affiche qu’il crée est retenue parmi 25 participants. Sur celle-ci, on remarque l’ombre d’un prisonnier et il est écrit «Aidez-les à sortir de l’ombre». La calligraphie utilisée est non sans rappeler un pilier de la culture populaire… « On s’est inspiré du célèbre album The Wall de Pink Floyd, se remémore-t-il. La publicité est finalement un portrait de la société de cette époque. »
Trois ans plus tard, alors qu’il assiste au Festival international du film publicitaire à Cannes, Richard est séduit par les publicités à portée humanitaire. «Je suis sorti de la salle sous une pluie abondante, se rappelle-t-il, pour aller me réfugier sous un parasol. C’est alors que je me suis donné le défi d’écrire un message pour Amnistie Internationale».
Respectant son mot d’ordre, la simplicité, il dessine le croquis d’un crayon qui flotte dans l’espace et qui s’arme de clés pour déverrouiller la porte d’une cellule carcérale.À son retour à Montréal, il contacte l’organisme et lui propose son idée. «Depuis, j’ai gracieusement tourné près de 15 messages pour cet organisme qui vient en aide aux prisonniers politiques dans le monde, précise-t-il. C’est un devoir, pour une agence de publicité, de s’associer à au moins une cause».
Du bénévolat payant!
Son investissement chez Amnistie rapporte gros puisque quelques mois plus tard, le Groupe Everest est appelé àfaire une présentation au gouvernement fédéral dans le cadre d’une campagne publicitaire pour contrer le décrochage scolaire. «Je leur ai mentionné mon travail auprès d’Amnistie, et c’est grâce à cette campagne bénévole que j’ai décroché le contrat, mentionne-t-il. C’est aussi à partir de ce moment-là que mes associés ont cesséde me dire que je ne devais pas m’associer à des causes.»
En 1992, il poursuit sa carrière chez Publicité Martin. où sont notamment produits des publicités pour la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) et le Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Il préside du même coup le Publicité club en tant que bénévole. «Le Groupe Everest n’aimait pas ça, confie-t-il. Je n’ai par contre jamais regretté. Le système de bénévolat m’a facilité la vie. C’est simple pour moi de faire des campagnes bénévoles car je suis reconnu pour être un bénévole et que finalement, tout le monde en tire un certain profit».
Dans le but de faire du marketing social à son compte, il crée le réseau Publici-Terreavec six autres concepteurs de la francophonie dispersée à travers le monde… Le décalage et les moyens techniques moins développés à l’époque rendaient la collaboration difficile entre eux. Finalement, Richard Leclerc reste le seul membre actif de cette aventure particulière.
En 2003, une autre avenue se révèle à lui. Sylvain Desrochers, directeur du certificat en publicité à l’Université de Montréal, lui demande de créer le coursPublicités sociétales et humanitaires. Depuis, et ce à chaque année, de vrais clients viennent dans ses cours pour faire de réelles commandes et bénéficier de campagnes sans frais. «Je souhaite faire comprendre à mes étudiants l’importance de donner davantage, que ça peut leur apporter beaucoup en retour», partage Richard Leclerc.
Une demande à l’international
Des avantages qui peuvent également se traduire par des voyages outremer. En 2005, il se fait inviter par l’Université Senghor d’Alexandrie pour dispenser son cours en format intensif. Le bouche-à-oreille est tellement efficace qu’il se retrouve bientôt au Burkina Faso, au Mali, en Tunisie et en Côte d’Ivoire. En tout, l’année dernière, il a donné sa formation cinq fois à l’extérieur du pays. «Je commence à être invité par d’anciens étudiants d’Alexandrie qui sont revenus dans leur pays après avoir complété leur maîtrise», s’étonne-t-il avec joie et un brin de fierté dans la voix.
Aujourd’hui, Richard Leclerc considère son travail comme une vocation. «Ce n’est pas très payant, alors j’ai eu à faire des choix. Malgré tout, c’est un travail très gratifiant. Et quand je me couche le soir, je suis heureux. J’ai 59 ans et je n’ai été impliqué dans aucun scandale. Je n’ai pas fait la Commission Gomery, ni la Commission Charbonneau», s’exclame-t-il en se rappelant que sa vie professionnelle n’a étéqu’une suite logique fidèle à ses ambitions.
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