4e chronique dans le Grenier aux nouvelles - De l’origine de la publicité « sociétale »

Jusqu’à récemment, si je tapais le mot «sociétal» dans Word, il était souligné en rouge, comme si c’était une erreur. Pourtant, Jacques Bouchard, notre publici-père, avait écrit en 1978 le livre L’autre publicité: la publicité sociétale. Il avait également fondé, en 1981, SOCIÉTAL – le Centre international de publicité sociétale. Le fondateur du Publicité-Club de Montréal (1959) et cofondateur de l’agence BCP (1963), également auteur du livre Les 36 cordes sensibles des Québécois, voulait promouvoir la création de campagnes publicitaires qui s’adressent aux citoyens plutôt qu’aux consommateurs.

En compagnie de Jacques Bouchard
qui me remet le prix qui porte son
nom, en mars 2000, pour le slogan
Métiers d'art de vivre!
Le concept de marketing sociétal, aussi appelé marketing social, a émergé aux États-Unis en 1972. Philip Kotler proposait alors, dans le Harvard Business Review Journal, un marketing plus socialement responsable, moral et éthique, en lutte contre le consumérisme. La vision de Jacques Bouchard s’exprimait davantage vers la proposition de changements de comportements des citoyens, notamment au niveau de la violence envers les enfants, qu’il trouvait socialement inacceptable.
Plusieurs campagnes qu’on pourrait qualifier de sociétales ont été diffusées bien avant 1972. Elles étaient surtout associées aux grandes causes humanitaires. Un des moments importants est sans contredit la naissance de la Croix-Rouge internationale, fondée par le Suisse Henri Dunant en 1876. Après avoir assisté, en 1959, à la bataille de Solférino entre les troupes piémontaises et françaises sous la conduite de Napoléon III et l’armée autrichienne, il constate qu’environ 38 000 morts et blessés sont abandonnés sur le champ de bataille sans que personne ne leur prête assistance. Dans Un souvenir de Solférino, livre qu’il publie en 1860, il y décrit la bataille, mais aussi les souffrances inhumaines des soldats. Il croit qu’elles pourraient être réduites à l’avenir et propose que dans tous les pays, des organisations humanitaires fondées sur la neutralité et le volontariat, devraient être autorisées à soigner les blessés: un militaire hors de combat à cause de ses blessures cesse d’être un ennemi et doit être considéré comme un être humain qui a besoin d’aide. De plus, les médecins et les infirmiers pourront donner leurs soins sans crainte d’être capturés.
Cette nouvelle façon de voir la guerre a sans doute été à l’origine de nombreux changements de comportements. D’abord diffusés par des organisations non gouvernementales et sans but lucratif, on voit apparaître dans les années 1970, des messages réalisés par des gouvernements qui visent des changements de comportements de leurs citoyens pour le mieux-être de toute la société.
Au Québec, par exemple, on a assisté en 1978 à la naissance de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) qui a fait du port de la ceinture de sécurité son premier cheval de bataille, avec le slogan On s’attache au Québec! Au début des années 70, environ 5% des gens attachaient leur ceinture en voiture, entraînant de nombreuses blessures, quand ce n’était pas la mort, chez plusieurs usagers. La première chose que l’acheteur d’une voiture neuve faisait, c’était de glisser les ceintures sous les banquettes parce que ce n’était qu’un ramasse-poussière qui pouvait salir les vêtements. En 1998, 93% des gens s’attachaient. C’est obligatoire, direz-vous, mais aucun gouvernement n’aurait osé l’imposer sans au préalable avoir obtenu un consensus social, c’est-à-dire que plus de 50% de la population sont en accord avec cette règle. D’où l’importance de la publicité sociétale, outil de sensibilisation et de prévention.
Causes? Toujours!

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